Naissance de la littérature du Moyen Âge :
La littérature médiévale ou du Moyen âge concerne toutes les œuvres littéraires de l’Occident, produites ou écrites durant ce millénaire. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, c’est cette période essentiellement instable, qu’on qualifie de barbare et féodale qui voit naître la langue française et sa littérature. Ce qui a fait dire aux spécialistes de cette époque que c’est « La période par excellence des enfances de la littérature française ». Cette époque mystérieuse est pourtant, sans aucun doute, l’inspiratrice de plusieurs auteurs de grandes œuvres littéraires du XIXème siècle. L’activité littéraire est d’une certaine façon encouragée par les rois, les princes, les puissants. En effet, « l’écrivain » bénéficie de la protection et de subsides d’un prince ou d’un puissant, ce qui lui permet d’être à l’abri du besoin. En échange de quoi il est à son service, pour mener à bien ses commandes. Résultats, les textes sont écrits de façon à lui plaire, le séduire. L’essentiel des genres poétiques et narratifs français voient le jour dès les XIIe et XIIIe siècles
Comme partout, la littérature en France durant le Moyen âge est à ses débuts essentiellement orale. Mis à part les clercs qui assurent la vie intellectuelle avant la naissance des universités, les autres ne savent ni écrire, ni lire. De plus sans moyen d’impression, la plupart des œuvres parviennent au public ou dans les cours par le chant ou simplement débitées. Cette littérature est l’œuvre de troubadours (appelés ainsi au sud) et de trouvères (appelé ainsi au nord), qui composent d’abord en vers. Leurs lieux de prédilections sont les châteaux, où en échange d’un repas copieux les nobles se font distraire par leur poésie plutôt courtoise. Leurs vers sont rapportés également par les jongleurs. Ces chanteurs ambulants vont de village en village, de cours en cours aussi, et font partie de ce qu’on appelle le cercle des amuseurs comme les clowns, les baladins, les saltimbanques…En ce sens ils sont donc les diffuseurs des troubadours et des trouvères, mais ils ne sont pas toujours tolérés. Ceux-ci sont donc incontestablement les précurseurs de la littérature française, longtemps influencée par la littérature médiévale. Même si pendant un temps, celle-ci est l’émanation d’une élite féodale, soucieuse de répandre ses idéaux telles que la bravoure, la piété, la fidélité…et structurer la société à sa guise. L’omniprésence de la foi chrétienne et des exploits guerriers dans cette littérature, sert à légitimer et assoir le système féodal. D’autres formes voient le jour plus tard, avec l’avènement d’une certaine bourgeoisie (lyrique, satirique…)
Le premier texte qu’on connaît du Moyen âge apparaît entre 880 et 883, et il est traduit du latin. « Séquence de sainte Eulalie » est un long poème qui évoque la religion, tout comme le reste de la littérature médiévale à ses débuts. On attribue généralement aux œuvres Boèce (conservée à la bibliothèque d’Orléans) et à la Chanson de Sainte Foi d’Agen (conservée à la bibliothèque de l’Université de Leyde), le statut de premiers écrits occitans (vers l’an 1000). La littérature française fait ainsi ses premiers pas avec des cantilènes (morceaux de poésies monotones), avant de connaître un essor considérable à partir du milieu du XIème siècle. Écrits avec l’ancien français jusqu’au XIIIème siècle, la langue évolue pour devenir trois siècles plus tard, le moyen français. Mais l’événement le plus importante dans l’histoire de la langue française reste « Les Serments de Strasbourg ». Le texte écrit dans deux langues, l’une à l’origine de l’allemand (tudesque) et l’autre du français (romane), définit une alliance entre deux des petits-fils de Charlemagne. Il s’agit de Louis le Germanique qui occupe la zone germanique de l’empire et Charles le Chauve qui occupe la zone française, contre leur frère aîné Lothaire qui lui est à la tête de la Lotharingie située entre les deux. Cette alliance militaire est établie pour faire face aux ambitions du grand frère, qui revendique le titre d’empereur d’Occident, c’est-à-dire des trois territoires. Mais bien avant en 813 déjà, le concile de Tours réuni par Charlemagne avait proclamé la reconnaissance des deux plus grandes composantes linguistique de son empire : la langue romane (de la campagne et issue du latin) et la langue tudesque ou germanique. Cet événement marque une étape importante dans la formation de la langue française.
La poésie lyrique et la chanson de geste constituent l’essentiel de la littérature médiéval jusqu’au milieu de Ixième siècle. Celle-ci s’exprime en latin, la langue de l’église et des ecclésiastiques (de la Bible donc), jusqu’à l’occupation romaine de la Gaule qui voit apparaitre deux langues (influencées par cette même langue). La première, langue d’Oc, voit le jour au Sud de la France (Sud de la Loire) en Occitanie qui compte le Languedoc, la Gascogne, le Limousin, la Provence et l’Auvergne. Influencée par la clémence du Sud du pays contrairement au nord, tirant son inspiration des rythmes latins de l’Église et de l’Espagne sous domination musulmane (Mozarabe), la poésie lyrique est courtoise et d’une sensibilité très vive. Encouragée par la noblesse elle trouve son plein épanouissement dans les cours, qui accueillent les poètes pour divertir les seigneurs en espérant que ceux-ci fassent preuve de générosité. La noblesse a aussi ses poètes, dont le plus célèbre est Guillaume IX d’Aquitaine fondateur de la poésie occitane. Sa petite-fille Aliénor, reine de France (1137-1152) puis d’Angleterre (1154-1204), est connue pour son attachement aux lettres dont elle est une fervente protectrice.
Au nord de la Loire apparaît la seconde langue, la langue d’oïl. Là se développe la chanson de geste, un genre épique (lié à l’épopée). Elle relate des hauts faits et triomphes de guerres (Croisades, guerre de cent ans…), mais aussi des drames imaginaires, des légendes. Les guerres inspirent donc ces écrits, qui marquent les véritables débuts de la littérature française. Ils sont composés en langue d’oïl par des trouvères, poètes et compositeurs issus de la noblesse ou de la bourgeoisie. Comme elle est le plus souvent récits d’exploits chevaleresques et de contes d’aventures, la chanson de geste est la préférée de seigneurs. Elle incarne aussi le plus souvent, l’intérêt que manifeste le peuple pour les faits héroïques et romantique. C’est même un besoin pour lui : s’évader, rêver, dans une société où il est difficile de survivre. On citera la Chanson de Roland, Tristan et Iseult, Perceval, Le Chevalier au lion, Les Chroniques de Joinville et Villehardouin etc. Les clercs de leur côté étaient plus portés sur une poésie moralisante et allégorique, une littérature plutôt savante représentée par Le Roman de la Rose. Ils ont le mérite de faire avancer les choses, de briser des tabous avec leur esprit frondeur dont la référence est la science. Quant aux bourgeois qui aimaient se moquer des pratiques et mœurs de leur temps, ils affectionnaient les fabliaux et les satires. Le Roman de Renart, où il est question d’animaux parodiant la chevalerie et faisant la leçon aux hommes, en est l’exemple type.D’autres genres suivent qui nous autorise à parler de classification ou de genres littéraires.
–Poésie épique ou Chanson de geste (XIème siècle) : le mot « geste » signifie « actions faites » référence aux « exploits guerriers », qu’elle relate en mêlant légendes et faits historiques tout en mettant en valeur l’idéal chevaleresque. Poèmes narratifs où se mêlent faits historiques et légendes, elle est un peu l’égale des poèmes homériques de la Grèce antique, de l’épopée scandinave, germanique ou encore anglo-saxonne. C’est le véritable début de la littérature d’expression française. Écrites par des trouvères, les chansons de geste relatent les exploits guerriers, les héros, mais aussi des légendes pour faire rêver. Elle s’inspire des cantilènes et autres chants populaires que les femmes particulièrement, entonnent pour soulager leurs peines, lorsque les hommes partent au front. La chanson de geste illustre particulièrement l’idéalisation de la société féodale, à travers des héros dont on met en avant l’esprit chevaleresque, et présentés comme animés de générosité, de courage, de sens du sacrifice, de courtoisie aussi… Elle est sensée véhiculer des valeurs, référence morale pour la société. La Chanson de Roland par exemple, écrite au XIème siècle, rapporte les exploits de l’armée de l’Empereur Charlemagne. Elle est considérée comme l’œuvre majeure, qui ouvre la voie à la langue française. La chanson de geste a été exploitée par l’aristocratie pour légitimer son pouvoir à travers des histoires, des récits des hauts faits du passé, fondateurs et souvent commandées auprès des trouvères. Elle sert aussi à faire l’éloge de sanctuaires, afin d’attirer les pèlerins et se faire de l’argent.
-La poésie lyrique ou la littérature courtoise : elle revêt deux formes le « lai » (forme fixe) et le roman elle apparaît au XIIème siècle avec les troubadours, pour glorifier l’amour unique et idéal, véhiculé par des personnages souvent héroïques. Le thème de l’amour y est exprimé avec raffinement, d’où certainement son appellation. L’influence du sentiment religieux prédomine, jusqu’à la soumission à une vie amoureuse codifiée strictement. Qu’elle soit sous une forme fixe (appelée « lai »), ou long récit écrit en vers ou en prose (roman courtois), cette littérature s’intéresse à la passion amoureuse et ses dangers, à la façon d’aimer, en mettant en avant des aventures souvent dramatiques, prétend véhiculer un modèle servant de référence. L’exemple type est la légende de « Tristan et Iseult », l’histoire d’un amour impossible, qui se termine par la mort des deux amants. Toujours sur le thème de l’amour courtois, « Le Roman de la Rose » du début du XIIIème siècle est considéré comme un chef d’œuvre, et serait le dernier du genre. A noter qu’à l’époque Roman signifiait tout ce qui n’était pas en latin donc Oc ou Oïl.
-La poésie ou littérature satirique : appelée aussi Fabliaux ou populaire, elle apparaît pour railler les valeurs féodales et courtoises. C’est la littérature de la bourgeoisie, narquoise mais réaliste. Les auteurs anonymes font rire, et s’amusent à prendre leur revanche sur les plus forts, en se moquant d’eux avec de petits récits comiques, parfois grossiers mais toujours avec une morale. Cette poésie moralisante, qui utilise les animaux pour critiquer les hommes, est incontestablement éducative. Le « Roman de Renart » est la première œuvre littéraire satirique, roman voulant dire alors écrit en langue romane (français vulgaire). Les personnages sont des animaux qui paraissent doués de raison, auxquels on attribue des traits de caractères humains (naïveté, vice, malhonnêteté, ruse…). Elle s’adresse donc essentiellement au peuple, tout en se riant de la noblesse.
-Les Chroniques : premières œuvres rédigées en prose française, elles rapportent les exploits de guerriers. Elles sont souvent idéalisées, empruntes d’un caractère moralisant pour la société. Les auteurs y ont souvent participé ou y ont été témoins. Les premières inspirations viennent des Croisades, avant que « La Guerre de Cent Ans » ne soit rapportée par Jean Froissart. Les chroniques sont les prémisses d’œuvres historiques, leurs auteurs les premiers historiens sans doute.
-Le Théâtre : considéré comme primitif, il apparaît sur scène tardivement, à partir du XIVème siècle. Il est d’abord d’inspiration religieuse (Rutebeuf), situé entre le profane et le sacré. Il voit le jour dans les églises, où Mystères tels que l’Ascension, Noël, Pacques…et la vie des Saints sont mis en scène. Mais très vite, en dehors se développe un théâtre d’un autre genre (Adam de la Halle) « La Farce » ou « Les Farces », qui devient très populaire. Comique, ironique, railleur, pourtant moralisant, il est combattu par les autorités religieuses en vain, parce qu’il leurs faisaient de l’ombre. La première pièce, œuvre majeure, voit le jour en 1460. Il s’agit de « La farce de Maître Pathelin » dont on ne connaît pas l’auteur. Ce genre est repris avec succès par Molière, plus de deux siècles plus tard.
Conclusion :
En résumé, les auteurs du Moyen-âge nous lèguent pas loin de 900 œuvres complètes, qui constituent une toute première bibliothèque propre à cette période. Ces hommes et femmes contribuent largement à faire évoluer les langues qui forment l’ancien français en une seule, le moyen français, au bout de quelques siècles. Ces œuvres littéraires sont aujourd’hui présentes grâce au passage de l’oralité à l’écriture, puis au manuscrit qui apparaît avant le XIIIème siècle dans les abbayes. Des clercs (copistes) recopient des œuvres pour les bibliothèques des couvents. Puis apparaissent des ateliers séculiers qui ont une véritable activité d’édition, pour répondre aux besoins des écoles et universités naissantes, et aux nombres de lecteurs grandissant. L’édition est donc l’œuvre de copistes, qui créent ainsi pour la première fois le commerce du manuscrit. Le plus célèbre est David Aubert (XVème), écrivain, compilateur et copiste. Mais on oublie que bien avant lui il y a Alcuin. Ce moine anglais appelé avec d’autres érudits par Charlemagne (768 – 814), produit au moins cinquante exemplaires de la Bible avant de mettre en place un atelier de copistes. C’est grâce à eux que des dizaines d’œuvres sont alors récupérées et conservées. Les Carolingiens utilisent du parchemin (peau d’agneau et de veau) au lieu du papyrus, abandonné déjà par leurs prédécesseurs les Mérovingiens. Si nous héritons de peu d’œuvres pour un millénaire, c’est parce qu’une bonne partie avait déjà disparue faute de publication écrite. La littérature du Moyen âge se caractérise par conséquent non pas par sa profusion, mais par son originalité et surtout sa diversité et sa richesse avec plusieurs styles et genres. Qualifiée de d’obscurantiste et barbare, elle a mauvaise réputation durant la Renaissance, avant que les romantiques du XIXe siècle ne la redécouvre et l’apprécie. Pour preuve, les auteurs de cette époque s’inspirent de ce riche héritage. Fort heureusement aussi plusieurs auteurs se sont penchés depuis sur ce passé médiéval, pour réveiller en nous la mémoire de cette époque qui aurait pu sans eux être oubliée. Nous allons maintenant pour la période du Moyen âge ici définie allant du 9e siècle au 15e siècle, vous faire découvrir les « auteurs » qui ont le plus marqué cette littérature, ainsi que leurs œuvres essentielles.