GUILLAUME de LORRIS (vers 1200- vers 1240)
Biographie
Poète français du Moyen Âge, on ne sait pas grand-chose de lui à part qu’il est né vers 1200 à Lorris dans le Gâtinais. Il aurait étudié à la Faculté des Arts d’Orléans. Issu de la noblesse, il était le protégé de Guillaume III comte de Poitiers. Il est connu pour « Le roman de la Rose » l’un des tous derniers écrits ayant pour thème l’amour courtois. Mort jeune, il n’a pas eu le temps d’achever cette unique œuvre (environ 4000 vers seulement).
Jean de Meung se chargera quarante ans plus tard (entre 1269 et 1278) d’écrire une suite pour en faire un long roman (22 000 vers). De son vrai nom Jean Clopinel, il est né à Meung-sur-Loire. Il fait des études à l’Université de Paris, où il passe d’ailleurs l’essentiel de sa vie. Il est également connu pour avoir été un défenseur acharné de Guillaume de Saint-Amour, condamné par le pape Alexandre IV puis expulsé de France par le roi Louis IX pour avoir osé attaquer les ordres mendiants. On le considère de nos jours comme l’un des plus grand érudits de son époque, jusqu’à le comparer à Voltaire.
Oeuvre de Guillaume de Lorris:
Le Roman de la Rose
Le Roman de la Rose est l’un, sinon le plus célèbre et le plus beau, des romans du moyen âge. Il est certainement le plus représentatif de l’amour courtois, de la philosophie courtoise. Ce qui suppose que l’auteur a bien pris connaissance de « L’Art d’Aimer » du poète Ovide (l’An 1), et des romans de Christian de Troyes. L’œuvre est née d’une vision imaginaire, allégorique. Le narrateur dans son errance se retrouve dans un jardin secret paradisiaque. Il est captivé par l’une des roses qui s’y trouvent, dont il s’est follement et soudainement épris. Sa seule obsession est dès lors de la cueillir. De Lorris y décrit les désirs et les souffrances de l’Amant, dans une longue quête du cœur d’une jeune fille représentée par cette Rose. Pour y parvenir il doit faire face à plusieurs épreuves, dans une atmosphère où des forces personnifiées par des allégories se livrent bataille. D’un côté il y a Vénus, Pitié, Largesse et Bel Accueil, de l’autre leur opposées c’est-à-dire Danger, Peur, et surtout Jalousie. Justement la Rose Jalousie va s’en mêler, au moment où le jeune homme embrasse la Rose. Pour protéger la fleur tant convoitée des avances de l’Amoureux, elle l’enferme dans une tour (le Château Jalousie). L’Amant désespéré se retrouve séparé de la Rose, et voit s’éloigner son destin amoureux. Les obstacles de plus en plus difficiles rendent ses souffrances encore plus atroces. Le Roman de la Rose qui a longtemps gardé sa popularité, est un chef d’œuvre en son genre sur l’Art d’Aimer selon les règles d’une société qui se veut courtoise.
Citations Guillaume de Lorris:
- Le temps qui ne peut séjourner – Mais va toujours sans retourner – Comme l’eau qui s’écoule toute – Sans que n’en remonte une goutte…
- Vilenie fait les vilains; – C’est pourquoi il n’est pas juste que je l’aime: – Le vilain est félon, sans pitié, – Sans obligeance et sans amitié.
- Il est vrai que les épreuves par où doivent passer les amants sont les plus terribles qu’il y ait au monde. Pas plus qu’on ne pourrait épuiser la mer, nul ne saurait énumérer dans un livre les maux de l’amour.
- Honte, répondit Jalousie, j’ai grand’peur d’être trahie, car Débauche est devenue très puissante. Elle règne partout. Même en abbaye et en cloître, Chasteté n’est plus en sûreté.
JEAN DE MEUNG (1240 -1305 environ)
Jean de Meung, considéré comme le Voltaire du Moyen Âge, a donné dans sa suite une autre tournure à l’œuvre de Guillaume de Lorris. Au début de cette deuxième partie « Le miroir aux amoureux », l’Amant continue sa quête. Il s’en prend avec acharnement à la forteresse érigée par Jalousie, et finit par atteindre et cueillir enfin la Rose. Mais courtoisie et délicatesse dans le récit il n’y en a plus. L’auteur lui substitue réalisme et la Raison devient plus importante que l’Amour. Le roman devient plus loin une violente satire de la société humaine. Rien n’est épargné : la noblesse, la vie religieuse (ordres monastiques, ordres mendiants et Saint-Siège), la royauté, les institutions établies, les superstitions… Il fait surtout la part belle aux femmes et leur dangerosité, au mariage, allant jusqu’à exposer les moyens de déjouer leurs pièges selon son « art d’amour » à lui. Ce qui vaut à l’œuvre d’être attaqué un siècle plus tard par Guillaume de Digulleville (Pèlerinage de la vie humaine) et surtout Christine de Pison (Epitre au Dieu d’Amour) à la fin XIV siècle. Celle-ci est à l’origine de la Querelle des Dames, elle a osé défendre la femme qui jouit d’une opinion négative dans une société dominée par les hommes. Jean de Meung est à ce titre le premier à déclencher la toute première querelle féministe de l’histoire.
Autres œuvres de Jean de Meung :
Le livre de Végèce de l’art de chevalerie (1284) : traduction en français de De Re Militari de Végèce (écrivain romain fin du IV – début du V siècle.
Traduction du latin de De consolatione philosophiae de Séverin Boèce (philosophe et homme politique romain 470-530).
Testament (entre 1291 et 1296) : contient une satire contre tous les ordres du royaume.
Codicille : il est question des mystères de la religion. L’ouvrage contient sept articles de foi.
Dodechedron de fortune : L’auteur enseigne à découvrir l’avenir en manipulant un curieux dé (Dodechedron) à 12 faces et 20 angles, une parfaite figure de géométrie.
Les remontrances de Nature à l’alchimiste errant… : c’est une cantilène de Dame Nature, qui se plaint et dit sa douleur à un alchimiste.
Il est également l’auteur de la première version en français des Épîtres (lettres) d’Abelard et Héloïse. Il a encore traduit Le Livre des merveilles d’Hirlande de Gerald de Barri (ecclésiastique gallois).
Citations de Jean de Meung :
- Jadis il en allait autrement; maintenant tout va en empirant.
- Car il n’est femme, si honnête soit-elle, – Vieille ou jeune, mondaine ou nonne, – Il n’est dame si pieuse soit-elle, – Si chaste soit-elle de corps et d’âme, – Si l’on va louant sa beauté, – Qui ne se délecte en écoutant.
- Toutes, vous autres femmes – … – Vous êtes, vous serez, vous fûtes – De fait, ou de volonté, putes.
- Les princes ne méritent pas – Qu’un autre annonce leur trépas – Plutôt que la mort d’un autre homme – Leur corps ne vaut pas une pomme.
- Le mariage est un lien détestable… Nature nous a faits… toutes pour tous et tous pour toutes.