Chrétien de Troyes, ou la légende du roi Arthur
19 Mar 2013 | Publié par dans Histoire de la littérature française | Litterature médiévaleBiographie de l’auteur:
Originaire de Troyes sans doute, il a vécu entre 1135 et 1190 environ. Il est considéré comme le premier et le plus grand romancier de la littérature française de l’époque médiévale. Le peu qu’on connait de lui vient de ses prologues. Dans celui d’ »Erec et Enide » il se présente au lecteur comme étant » Crestiens de Troies », avant de préciser dans celui du » Chevalier de la charrette » qu’il a écrit sur le « comandemant de ma dame de Champagne ». Il s’agit en fait de Marie de Champagne, fille d’Alienor d’Aquitaine et Louis VII reine et roi de France. Ce qui laisse à penser qu’il est poète à la cour de Champagne, où il tient également la fonction d’officier public (héraut d’armes) ou clerc. Il reste néanmoins le protégé de Marie, qui lui dicte presque ce qu’il doit écrire.
Fondateur de la littérature arthurienne (en français), il est celui qui nous restitue le mieux la légende du Roi Arthur et ses héros du cycle de la table ronde issue de la mythologie celtique. Même si avant lui des conteurs et des musiciens colportaient ça et là des légendes celtiques, où les héros souffraient de devoir choisir entre leur devoir moral de chevalier et l’amour. La cour du roi Arthur est le point de départ des aventures des chevaliers, où se mêlent le merveilleux et l’amour, racontées par Troyes. Si dans la chanson de geste, dont la Chanson de Roland (1080) qui rapportent les conquêtes de Charlemagne reste la plus célèbre, le patriotisme est mis en avant au travers des exploits guerriers donc collectifs, chez Troyes les personnages que sont essentiellement les chevaliers sont en quête de reconnaissance personnelle et de découverte des autres. En ce sens il est considéré comme l’un des premiers auteurs de romans de chevalerie, inventeur du roman d’amour où les personnages sont souvent devant le dilemme loyauté chevaleresque – amour qui ne vont pas forcément ensemble.
Œuvres :
Elle tourne donc autour de la légende d’Arthur posé et juste, et qui devient Roi après avoir été le seul à pouvoir arracher l’Excalibur (une épée magique que seul le roi de Bretagne est digne de brandir) planté dans le roc par Merlin. L’Excalibur permet alors au Roi de réaliser des centaines d’exploits, au profit de la Bretagne. Sur conseil de Merlin toujours, il crée une assemblée de chevaliers appelée « Les Chevaliers de la Table Ronde ». La mission de cet ordre est d’accomplir la quête du Graal, le calice dans lequel aurait bu le Christ lors de son dernier repas. Une fois retrouvé, le Graal est sensé assurer la paix et l’harmonie entre les hommes du Royaume. La quête du Saint Graal occupe l’essentiel de la trame, car elle est la plus difficile et la plus grande de l’époque du Roi Arthur.
Erec et Enide (1170) :
Premier ouvrage de l’auteur, il est question de la délicate conciliation entre l’amour et la chevalerie. Erec est considéré comme l’un des plus brillants chevaliers de la table ronde. Une seule rencontre lui suffit pour s’éprendre de la belle Enide. Les deux jeunes personnes se marient sans tarder, et l’époux doit accorder ses devoirs avec sa passion. Ce qu’il réussit à faire temporairement, avant de commencer à négliger armes et chevalerie. Et ce n’est pas sans conséquences, et la crise s’installe. A chaque fois que cela repart sur la bonne voie, cela s’avère éphémère, et la gravité du problème s’accentue. Et Erec repart encore plus déterminé, en quête de ce difficile équilibre entre chevalier aimant et chevalier guerrier…
Cligès (1176):
Originaire de la Grèce, Cligès est fait chevalier par le roi Arthur mais ne peut rester, car la vengeance l’appel dans son pays. Fénice qu’il aime et qui lui était destinée a été marié à l’empereur (oncle de Cligès), qui a ainsi trahi le serment fait à son frère Alexandre (père de Cligès) de ne pas la prendre comme épouse. Bien qu’elle aime Cligès, Fénice refuse de se laisser entrainer dans une relation adultère. Mais le chevalier arrive à trouver réponse à la trahison de son oncle…par une autre trahison…
Lancelot ou le Chevalier de la charrette (1176 à 1181):
Commandé et dédié à Marie de Champagne, fille d’Aliénor et du roi Louis VII, l’œuvre donne une place prépondérante à l’amour courtois. Un chevalier jusque là inconnu veut séduire la reine Guenièvre, la femme même d’Arthur. Pour cela il donne une image de l’amant le plus courtois, et va jusqu’à lui être soumis. Ce qui ne plaît bien à la suzeraine. Alors que celle ci est enlevée par le roi de Gorre, il entreprend un voyage dans un royaume d’où l’on ne revient jamais, pour la délivrer. Pendant qu’il poursuit le ravisseur il perd son cheval. Quitte à perdre son honneur et pour Guenièvre qu’il aime, il n’hésite pas à continuer son périple en charrette (d’où le nom de chevalier de la charrette)…A son retour il devient Lancelot, son courage et sa fidélité lui valent d’intégrer le groupe des Chevaliers de la Table Ronde…La trame de fond tourne autour de l’adultère.
Yvain ou le Chevalier au lion (1178 à 81):
Le sénéchal Keu lance un défi à Yvain, Chevalier de la Table Ronde, de se battre contre le seigneur de la fontaine d’une forêt. Victorieux il assiste aux funérailles et découvre la veuve Laudine, la plus belle femme sans doute du royaume. Lunette la servante use de malice pour persuader la dame d’épouser Yvain, le seul capable de protéger son domaine. Elle accepte et lui offre son cœur et sa main. Mais Yvain a du mal à vivre sans aventures, n’est ce pas le propre de tout chevalier de sacrifier l’amour pour l’aventure? Laudine l’autorise à partir à condition qu’il soit de retour dans une année au plus. Il part avec Gauvain, un autre Chevalier de la Table Ronde. D’aventure en aventure l’époux oublie sa promesse. Quand il s’’en rappelle une année était déjà passée. Il est alors furieux contre lui-même, quand il apprend que sa femme ne veut plus de lui. Livré à lui-même et en proie à la folie, il traverse plusieurs épreuves, dont celle de tuer un serpent pour sauver lion. Devenus inséparables, Yvain fait preuve héroïsme dans ses combats. Il devient le Chevalier au lion. Lunette va encore user de ruse pour le réconcilier avec Laudine. L’apparition d’un chevalier qui trouble la fontaine, est à l’origine de déchainement de tempêtes incessantes, que seul le Chevalier au lion peut faire cesser. La servante le présente à sa maîtresse, qui découvre que c’est Yvain son mari. L’époux ne jure plus que par l’amour, et renonce à son rôle de chevalier…
Perceval ou le conte du Graal (1181 inachevé) :
C’est la dernière œuvre de l’auteur qui restera inachevée, et dont plusieurs auteurs tenteront une suite. Tout en indiquant qu’elle est commandée par Philippe, comte de Flandre et courtisant de Marie de Champagne, il en fait l’éloge en le qualifiant de « le plus valeureux des hommes qui soit en l’empire de Rome ». Troyes conte les aventures du chevalier Perceval. D’origine noble celui-ci vit avec sa maman en Pays de Galle, dans un refuge en forêt depuis qu’elle a perdu son mari et deux autres enfants. Pour le protéger elle le maintien dans l’ignorance, et loin de la violence du monde extérieur. Jusqu’au jour où il croise des chevaliers, qui passaient par là. Il est tellement ébloui par leurs armes et leurs armures, qu’il décide de se rendre dans la cour du roi Arthur. Désormais il ne vit que pour se faire chevalier par ce souverain. Ses atouts sont le courage (il mène son premier combat et sort vainqueur) et sa beauté (il séduit Blanchefleur qui va l’aider). Un vieux chevalier entreprend de lui apprendre les bonnes manières, les vertus chevaleresques. Devenu chevalier, il aperçoit le Graal lors de son passage dans un château mystérieux. Mais il ne réagit pas. Le lendemain il est pris à parti pour n’avoir rien fait, alors que la quête du Graal est la mission principale des chevaliers. Depuis il ne jure que par le Graal. Il part à sa recherche, mais d’abord il doit retrouver le mystérieux château…
Autres œuvres:
Chrétien de Troyes serait aussi, comme il l’indique dans le prologue de Cligès, l’auteur de cinq traductions-adaptations. Une version de Tristan et Iseult dont on a retrouvé aucune trace, tout comme quatre des cinq versions de l’Ovide.
Quelques citations de Troyes :
- A femme qui accorde sa bouche accorde sans peine le surplus.
- Mauvais est l’homme qui oublie honte et vilenie qu’on lui fit.
- Trop de paroles, péché certain.
- Chose que l’on dédaigne vaut bien mieux que l’on croit.
- Le cœur a des pensées que ne dit pas la bouche
- M’est avis qu’un homme courtois mort vaut mieux que vilain vivant
- Qui aux dames ne porte honneur c’est qu’il n’a point d’honneur au cœur
- Ce n’est pas un vain propos, mais une vérité établie :celui qui accepte conseil n’est pas un sot
Écrits sur l’auteur :
- Chrétien de Troyes : l’homme et l’œuvre, Jean Frappier (1957)
- Chrétien de Troyes, Philippe Walter (1997)
- La littérature Arthurienne, Thierry Delcourt (2000)
- Chrétien de Troyes, Estelle Doudet (2009)