Menace Plantagenêt sur le règne Capétien
14 Mar 2013 | Publié par dans Le Moyen ÂgeLouis VII et Alienor, ou le mariage de raison
Louis VI qui a régné sur la France depuis juillet 1108 meurt en août 1137. Alors qu’il était destiné à une carrière ecclésiastique, son fils Louis VII (Louis le Jeune)lui succède à l’âge de 18 ans à la faveur de la mort accidentelle du fils aîné. Il épouse en 1137 la belle Alienor d’Aquitaine (mariage arrangé avant le décès de Louis VI), petite fille de Guillaume d’Aquitaine que tout oppose : le dévot et pieux avec la sensuelle jeune fille surnommé « la Folle Reine ». Un mariage des plus mal assortis. Ce qui fera dire à celle-ci plus tard « J’ai épousé un moine ». Mais elle est néanmoins un bon parti, car elle fait de lui un monarque riche et puissant. Elle apporte son héritage, le duché hérité de son père Guillaume X qui va de la Loire aux Pyrénées et la côte Atlantique, l’équivalent de 19 départements. La reine est d’une grande culture, elle sait lire et écrire car élevée dans la cour d’Aquitaine où son grand-père Guillaume le troubadour recevait poètes, musiciens et troubadours. Ce qu’elle-même continue de faire. Ce mariage l’arrange aussi car ses biens sont ainsi bien protégés et à l’abri de toute convoitise.
Le divorce
Mais l’union de Louis le Jeune et d’Alienor bat de l’aile, le roi reprochant à la reine son comportement non vertueux qui se murmurait même partout dans la ville. Un concile d’évêques annule le mariage qui avait duré 15 ans en 1152, juste après le retour du roi et de la reine de la 2ème croisade qui s’est soldée par un cuisant échec. Le souverain perd gros dans ce divorce, l’énorme dot d’Alienor en territoires. La désormais reine de France est libre. Mais après cette séparation ses États ne sont plus protégés, il lui faut vite trouver un bon partie. Elle se remarie deux mois après avec le comte d’Anjou, Henri de Plantagenêt qui ne lui est pas inconnu. Il est plus jeune qu’elle, mais elle est follement éprise de ce puissant et bel homme. A eux deux ils forment le coupe le plus riche et puissant de l’Europe Occidentale.
Henri II de Plantagenêt, le roi méprisé
De l’autre côté de la manche, Mathilde avait épousé en 1128 le comte d’Anjou , Geoffroy Plantagenêt. Elle est la fille héritière d ’Henri I roi d’Angleterre, fils de Guillaume le Conquérant. Leur fils qui est justement Henri de Plantagenêt succède au père en 1154, et devient Henri II roi d’Angleterre. Il a sous son contrôle l’Aquitaine grâce à son mariage avec Alienor, le Maine et l’Anjou (Normandie) qu’il avait hérité de son père, et la Bretagne après le mariage de l’un des fils avec l’héritière du duché de Bretagne. Henri II de Plantagénêt se retrouve à la tête d’un immense territoire, qui va de l’Ecosse aux Pyrénées soit le tiers de la France. Il étend son règne sur toute l‘Angleterre, et fait des alliances avec plusieurs seigneurs et comtes (Midi, Montpellier, Narbonne, Narbonne, Barcelone …). De quoi susciter des inquiétudes car cette situation d’hégémonie constitue une menace certaine pour le royaume de France, même si le nouveau roi d’Angleterre demeure vassal de Louis VII du moins en apparence. Entre les deux souverains, le premier Plantagenêt et le second Capétien donc légitime, le conflit est chronique, il couve. La Guerre de cent ans entre la France et l’Angleterre n’a-t-elle pas déjà commencée ?
Richard Cœur de Lion arrive
De l’union d’Henri II et Alienor naissent quatre garçons : Richard, Henry, Geoffrey, Jean et trois filles : Mathilde, Alienor et Jeanne. La famille jusque là heureuse et unie commence à battre de l’aile. Le souverain devient de plus en plus autoritaire avec les siens, et despotique avec son peuple jusqu’à se faire détester. Sa liaison extra-conjugale avec la belle Rosemonde, envenime encore plus la situation. Commencent alors les intrigues, manipulés par Louis VII ses enfants Henri et Richard rentrent en conflit avec lui. Il partage à ses enfants son énorme territoire pour les calmer. Furieux il finit par jeter sa femme en prison, l’accusant de comploter contre lui avec les vassaux de France. Elle s’échappe pour aller demander aide à son ex- époux Louis VII, mais elle est rattrapée avant d’arriver à Paris. Pendant qu’Henri II file le bel amour avec sa maîtresse, Alienor est enfermée dans la tour de Salisbury mais libre de circuler à l’intérieur. Sa captivité dure une quinzaine d’années entre le château de Salisbury et divers autres en Angleterre. Quant au roi il se réfugie en 1189 dans son château de Chinon, une de ses résidences françaises, où il décède le 6 juillet dans l’indifférence et presque seul. Son fils Richard qui deviendra Richard Cœur de Lion lui succède. Il libère sa mère et ramène la paix en Angleterre. Dix ans plus tôt (1 novembre 1179) en France, Louis VII gravement malade avait sacré son fils Philippe Auguste à la tête du royaume.
La croisade de Richard
Richard n’est pas souverain à rester assis sur son trône et attendre sans agir. Arrière-petit -fils de Guillaume le troubadour et fils de Alienor d’Aquitaine, il est cultivé et a lu tous les exploits guerriers du Moyen-Âge. Il rêve de gloire. L’opportunité se présente vite avec la reprise de Jérusalem, la ville sainte, par les musulmans. Il décide de partir pour la troisième croisade. Le nouveau roi de France se joint à l’expédition. Mais celui-ci, prétextant son mauvais état de santé, rentre au pays laissant Richard poursuivre la croisade. Celui-ci arrive à reprendre les principales villes de Palestine, mais pas Jérusalem. Flairant que la croisade ne peut aboutir et que son royaume est en danger, il négocie avec Saladin. Après avoir arraché une trêve et des droits pour les chrétiens, il prend le chemin du retour en octobre 1192. Il est arrêté à Corfou par Léopold V le duc d’Autriche. Celui-ci le livre à son ennemi, l’empereur germanique Henri VI, qui exige cent mille marcs pour le remettre en liberté.
La trahison
Pendant ce temps deux hommes vont exploiter cette situation. Jean le frère cadet de Richard (dit Jean sans Terre car il est le seul qui en est dépourvu) qui convoite la couronne d’Angleterre, prête hommage au roi de France pour l’aider. Il lui cède même une partie de la Normandie pour mille marcs d’argent, au moment où Philippe Auguste commence à envisager de s’attaquer aux biens des Plantagenêts en terre française. La détention de Richard Cœur de Lion dure deux longues années. Sa mère Alienor d’Aquitaine réussit à réunir la rançon, et obtient sa libération. Il rentre au pays mais ne tarde pas à débarquer en Normandie pour récupérer ses possessions. Entre Capétiens et Plantagenêts c’est de nouveau une guerre d’escarmouches, seulement pour l’instant. Il meurt lors de l’une d’elles, le siège du château de Châlus-Chabrol (Limousin) le 6 avril 1199. Le royaume d’Angleterre est affaibli, Philippe Auguste en profite et déclare Jean qui a succédé à Richard déloyal. Un motif pour saisir les domaines dont le Plantagenêt a hérités, même par les armes. Il part en campagne début 1202 et s’empare de la Normandie, de la vallée de la Loire, de la Bretagne… et établie la domination capétienne sur la France. Alienor n’y survivra pas, elle assiste impuissante au déclin du pouvoir de son dernier fils. Pire elle apprend que le très symbolique Château- Gaillard (Limousin), bâti par son fils Richard Cœur de Lion est tombé entre les mains du roi de France. elle meurt quelques semaines après à l’âge de 82 ans (en mars 1204) à Poitiers, où elle s’était réfugiée. Mais entre-temps Jean tente bien une incursion en terre française, en débarquant en février 1214 à la Rochelle. C’est Louis fils de Philippe (pris ailleurs) qui lui fait face et le met en déroute. Le roi anglais revient en septembre pour signer une trêve de cinq ans, et céder ses droits sur toutes ses possessions du nord de la Loire. La menace Plantagenêt est écartée, du moins pour quelques temps.