Échec de la quatrième croisade (1202 – 1204)
14 Fév 2013 | Publié par dans Histoire de la littérature française | Le Moyen ÂgeLa croisade du Pape Innoncent III
Alors que Jérusalem est restée entre les mains des musulmans après l’échec de la troisième croisade (septembre 1192), arrive au pouvoir pontificale Innoncent III le 8 janvier 1198. Celui-ci manifeste aussitôt sa détermination à reprendre la ville sainte. Le nouveau pape lance dès le 15 août un appel pour l’unité des chrétiens autour de cette noble et sacrée mission. Il va plus loin que ses prédécesseurs : il exige de chaque ville, comte et baron de pourvoir en hommes et à leurs frais la campagne, alors même que l’Europe a d’autres préoccupations et n’est pas vraiment enclin à cette nouvelle aventure. La France et l’Angleterre sont en guerre, alors que l’Allemagne lutte contre le pouvoir papal. Foulques de Neuilly (Curé de Neuilly-sur-Marne et célèbre prédicateur français) arrive par ses prêches à convaincre les plus réticents. Pour ménager les croisés, il est décidé de se rendre en Terre Sainte par mer. Des contacts sont pris avec les autorités de Venise, pour négocier le transport des 33 500 croisés prévus et qui financeront la flotte à construire. Et c’est Boniface de Montferrat, comte italien au moment des faits, qui est chargé de diriger cette armée.
Au milieu de l’été 1202, des milliers de croisés convergent vers Venise. Mais au bout du compte les deux tiers manquent à l’appel. Une partie a préféré se rendre en Orient par d’autres chemins, alors qu’une autre s’est carrément rétractée. Les premiers ennuis commencent pour Boniface et l’historien Geoffroi de Villehardouin (qui a rapporté cette croisade), qui avait négocié avec Enrico Dandolo (doge ou premier magistrat de Venise). Ils se retrouvent dans l’impossibilité d’honorer leur contrat, avec seulement un tiers de l’effectif prévu. Le doge empêche les navires, pour lesquels il a mis tous les moyens de la république de Venise, à quitter le port avant que la totalité de l’argent ne soit versée. Les Vénitiens vont tirer profit de cette situation. Ils suggèrent aux francs de remettre à plus tard le paiement de la dette, en contrepartie d’une aide à la reconquête de Zara en Croatie (Zadar en croate). La proposition est acceptée car il n’y a pas vraiment le choix, mais beaucoup de croisés refusent de se battre contre des chrétiens. La ville est malgré tout assiégée et prise, mais sans Boniface. Le pape Innocent III est scandalisé, il excommunie Vénitiens et croisés.
La croisade détournée
Entre-temps Boniface profite pour se rendre à Rome chez son cousin Philippe 1er de Souabe (fils de l’empereur germanique Frédéric Barberousse et roi des Romains de 1198 à 1208). Il rencontre alors Alexis IV Ange (fils d’Isaac II Ange empereur byzantin) que son oncle Alexis III Ange avait chassé du trône. Dépossédé il veut récupérer son empire. Il propose au chef des croisés le paiement de la dette aux vénitiens, en contrepartie d’une aide pour reconquérir Constantinople et Byzance. Les deux hommes prennent la route de Corfou, où les attendent la flotte des croisés vainqueurs à Zara. Devant les hésitations de croisés à lever l’épée sur des chrétiens, le clergé catholique arrive à convaincre que les Byzantins orthodoxes sont tout aussi mauvais que les musulmans. La quatrième croisade est détournée, les croisés foncent sur Constantinople. Après un siège de plusieurs jours, la ville est prise le 12 avril 1204. Alexis IV ne peut pas tenir son engagement de payer la dette des croisés aux Vénitiens. La terreur s’abat alors sur les Grecs, leurs femmes et leurs filles, avant de procéder au pillage systématique (reliques et trésors de réputation, nourriture…) de la cité. Alexis IV reprend son trône mais il est vite assassiné. Même si selon un accord conclu entre eux, chefs vénitiens et croisés se répartissent le gros de l’empire byzantin, Venise est la grande gagnante de cette expédition et de la création d’un Empire latin d’Orient.
La quatrième croisade est donc un échec total, car aucune tentative de continuer jusqu’à la Terre sainte n’a lieu. Mais elle reste un tournant important de l’histoire du Mayen âge. La chute de l’Empire byzantin est à l’origine de diverses conséquences : politiques, territoriales, économiques, culturelles. Les relations entre l’Occident et l’Orient, entre la chrétienté latine et l’orthodoxie sont désormais affectées.