Jean Froissart, un chroniqueur médiéval
19 Juil 2013 | Publié par dans Histoire de la littérature française | Litterature médiévaleBiographie de Jean Froissard (1337-1404 environ)
Né vers 1337 à Valenciennes (comté de Hainaut), Froissart reçoit l’éducation lettrée et non moins religieuse qui le destinait à un être clerc. Mais ses inclinaisons précoces pour la vie et ses plaisirs, sa passion pour les vers et l’écriture l’en éloignent, même s’il fait quelques détours comme prêtre, chapelain et chanoine. Poète il s’essaie à tous les genres littéraires du roman à l’œuvre courtoise, chroniqueur il s’exerce à écrire sur les guerres de son temps. Ses talents de poète lui valent de s’attirer très vite la protection des comtes de Hainaut.
Ses nombreux voyages en France, en Angleterre, en Espagne, au Pays de Galles, en Belgique, en Italie… lui permettent d’être un témoin privilégié et de recueillir la matière pour commencer ses chroniques. Il y rencontre de grands noms comme le pape Clément VI à Avignon (1364), le roi d’Angleterre Edouard III (1363), le roi d’Ecosse David Bruce (1363) le prince Noir à Bordeaux (1366), le roi de France Jean II en Angleterre (où il était encore captif en 1363) et bien d’autres. Il assiste au sacre de Charles V à Reims (1364), à l’entrée d’Isabeau de Bavière à Paris (1389)…
A 24 ans il se retrouve au service de la reine Philippa de Hainaut (sa protectrice) sous le roi Edouard II d’Angleterre, comme historien officiel de la cour. Il consacre tout son temps libre à l’écriture, comme chroniqueur avant tout, jusqu’à être considéré comme l’un des plus remarquable même si les dates, les noms et la succession des événements ne sont pas édifiés comme chez les historiens modernes.
La largesse des nombreux protecteurs qui se sont succédés a permis à Froissart non seulement d’être à l’abri du besoin, mais aussi de mener une vie insouciante fréquentant les tavernes, les fêtes, les festins, les tournois…
Œuvre de Froissart :
Jean Froissart nous laisse une œuvre assez riche et variée. Avec ses pièces lyriques, narratives empruntes de courtoisie il peint les passions, chantent son amour sans faille celui là même qui a scellé le sort de sa vie. Mais la gloire il l’atteint grâce à ses Chroniques, bien plus que son œuvre poétique même si elle est tout aussi remarquable. Il a le mérite de rapporter fidèlement la vie dans les cours du Moyen-âge et les conflits armés. Il décrit avec ravissement le milieu aristocratique avec ses fastes et ses joutes. Avec lui va disparaître la chanson de geste, remplacée peu à peu par la littérature historique.
L’auteur nous lègue des poèmes lyriques, un roman arthurien en vers, des dits à connotation courtoises et autobiographiques influencés par le chagrin d’amour qu’il a connu suite au mariage de sa bien-aimée.
Œuvres de Froissart:
Dits et débats :
D’inspiration courtoise, les dits sont des compositions narratives, plutôt allégoriques et autobiographiques. Ils sont débats quand entre en jeu deux ou plusieurs acteurs.
Le paradis d’amour (1361-1362):
Le poète-amant fait un songe. Il se trouve dans un jardin où règne dieu Amour au mois de mai où tout est fleuri, beau et gai. Le voyant désespéré, Espérance, Plaisance puis Amour qui l’instruisent sur la façon de servir ce dernier. Il rencontre alors sa dame, qui lui promet désormais amabilité et douceur. Il se réveille réjoui et rassuré…
Le temple d’Honneur (1363):
Au cours d’un rêve, le poète fait la rencontre d’un chevalier dans une forêt. Un mariage, celui de Désir et Plaisance, est célébré non loin dans un temple appartenant à Honneur, le père du marié. Les deux jeunes hommes s’y rendent pour assister à la cérémonie…
Le joli mois de mai (1363):
Qui n’aime pas le mois des lilas, où tout reprend vie. Le poète est dans un jardin, au milieu d’arbres et de fleurs, il écoute non sans mélancolie le chant d’un rossignol. Il réveille en lui le souvenir de celle qu’il chérit. Il quitte le jardin en se promettant de servir l’Amour…
Le dit de la margheritte (1364):
C’est la fleur des fleurs, prisée et honorée dans la mythologie de Céphée et héro, dont l’auteur fait l’éloge. Le poète fait encore allusion à sa bien-aimée…
Le dit dou bleu chavalier (1364) :
Un chevalier de l’ordre de la paix qui se considère prisonnier de ses missions se plaint de cette situation. Le narrateur nous rapporte ses inquiétudes de rester loin de sa bien-aimée. Il entreprend de le persuader, pour les dissiper, d’écrire un dittier à sa dame dans lequel il lui racontera sa bravoure et lui exprimera ses sentiments impérissables. Le chevalier est ravi et soulagé de l’idée…
L’espinette amoureuse (1369):
L’auteur nous rapporte son premier amour. Il partage avec la dame qu’il rencontre la même passion pour la littérature. Mais il n’ose pas lui faire part de ses sentiments, même avec l’aide une amie de la dame. Résultat, sa bien-aimée se lie à un autre. Ne pouvant supporter cette déception douloureuse, il quitte le pays…
Le joli buisson de jonece (1373) :
Vénus apparaît à l’auteur dans un songe. Elle lui reproche de ne pas exercer le métier auquel la Nature l’a prédestiné et duquel il s’est détourné. Elle le conduit au Joli Buisson de Jeunesse où des jeunes filles et dames se divertissent. Parmi elles la dame qu’il chérit et qui lui paraît aussi jeune et belle qu’il y a dix ans. Il tente bien de se déclarer pour la conquérir mais Refus, d’Escondit et Dangier y sont hostiles. L’auteur se réveille sans connaître l’issue de la rencontre. Il comprend que ses préoccupations charnelles resteront vaines et implore la Vierge Marie en lui dédiant le lai Notre-Dame.
La plaidoirie de la rose et de la violette (1392-1393):
Les deux se disputent le statut de la plus belle fleur, chacune avec ses arguments. Elles décident de s’en référer au juge Imagination, en présence de leurs avocats. Le juge ne veut pas trancher, il renvoie malicieusement l’affaire en appel au Lys, la véritable reine des fleurs…
Autres dits et débats :
- L’orloge amoureus (1368)
- Le debat dou chevel et dou levrier (1365)
- La prison amoureuse (1371-1373)
- Lais amoureus et de Nostre Dame
Roman arthurien:
Méléador (1365 puis enrichi en 1380):
Commandité par Wenceslas de Branbant c’est un Roman en vers, le plus long des romans arthuriens et qui n’a rien à envier à ceux qui l’ont précédé. On y retrouve le décor familier de la légende avec les royaumes d’Ecosse, de Logres, d’Irlande, de Cornouailles et les villes de Camelot, Tintagel ou encore Carlion. L’idéologie chevaleresque y est bien mise en scène, dans la quête du chevalier Méléador. Camel de Camois est un chevalier à qui la princesse Hermondine d’Ecosse est dévolue. Celle-ci le juge cependant indigne, et entreprend avec l’aide de quelques personnes de le discréditer afin ne pas l’épouser. Dans cette mise en scène, Meliador amoureux de la princesse, apparaît comme le plus valeureux. C’est à lui donc que revient la main d’Hermondine, au grand dam du pauvre de Camois…
Histoire:
Chroniques (de 1370 et 1400):
Froissart relatent en 4 livres les épisodes de la première moitié (1325 à 1400) de la Guerre de Cent Ans. Elles sont écrites alors qu’il est tantôt d’un côté de la manche, tantôt de l’autre et reçu par les princes et les rois (plus côté anglais) ce qui lui permet de recueillir des témoignages. Elles sont alors la source la plus importante d’informations sur les événements de l’Europe Occidentale en général, et ceux relatifs à la Guerre de Cent Ans en particulier. Grâce à ses voyages et ses rencontres, la plupart des faits, les batailles sont écrits à chaud, et avec telle précision. Chroniqueur de la chevalerie, dont il a vu la splendeur et la décadence, Froissart a avec ses Chroniques certainement beaucoup contribué à la diffusion de l’esprit chevaleresque et courtois de cette époque.